Spécialiste en didactique des langues, Isabelle a rejoint récemment notre équipe éducation et nous parle de son travail et la raison de son engagement au sein de notre association.

Tu es spécialiste en didactique des langues. Peux-tu expliquer ce que cela signifie ?

Isabelle Grappe: Ma spécialisation en didactique des langues me permet de diriger, réaliser et accompagner des conceptions de formations de formateurs et d’enseignants pour l’enseignement et l’apprentissage des langues à l’école, en s’appuyant sur les langues et cultures premières des élèves. En créant des ponts entre ce que les élèves vivent dans leur environnement socio-familial et l’école, l’élève trouve mieux sa place dans le milieu scolaire et développe une identité plurielle. En outillant les formateurs puis les enseignants à développer un sentiment de sécurité linguistique et culturelle chez les élèves, ils permettront à ces derniers de réduire l’échec et l’abandon scolaires.

Rencontre avec IsabelleQu’est-ce qui te plait le plus dans cette fonction ?

I.G. : J’apprécie particulièrement le fait d’avoir une réflexion globale avec une équipe de personnes qualifiées et compétentes dans une démarche pluridisciplinaire unissant le social, le pédagogique et la santé, ce qui enrichit le développement des approches et des contenus pour l’enseignement des langues.

En tant que sociolinguiste spécialisée dans la didactique du plurilinguisme, ma motivation principale est de légitimer en classe toutes les langues et cultures minoritaires des enfants et de leurs parents et d’accompagner les ministères pour les faire reconnaître dans le curriculum du programme scolaire officiel. Enfants du Monde me donne la possibilité de faire évoluer toute ma vision et mon approche grâce, d’une part, à la prise de connaissance du travail déjà effectué par l’association dans les différents pays par le passé, et d’autre part, par l’espace qui m’est accordé pour la participation au développement des réflexions stratégiques en cours en m’appuyant sur mes expériences antérieures dans la conception et le suivi de la formation des formateurs.

Quelle est la raison principale qui t’a motivée à rejoindre Enfants du Monde ?

I.G. : Avec Enfants du Monde j’ai retrouvé les valeurs que je défends dans tous les projets auxquels j’ai participé depuis 30 ans auprès d’immigrés, de réfugiés politiques en France, de réfugiés palestiniens, irakiens, syriens et de minorités libanaises au Liban. En effet, tous les projets d’éducation menés par l’association sont au service des ministères des pays dans lesquels ils travaillent. Le diagnostic effectué au début de chaque action permet de questionner les problématiques propres à chaque contexte. Le projet de restitution à la fin de chaque mission permet de faire participer et adhérer toute la communauté aux nouvelles approches proposées et garantit le respect de la cohésion sociale. En impliquant à la fois les acteurs clefs du ministère et ceux de l’enseignement, Enfants du Monde contribue à la conception de programmes de formation d’enseignants et d’éducation adaptés et co-construits avec le terrain, en veillant à l’appropriation sur le long terme des innovations proposées. Il est de plus en plus rare de trouver des espaces de réflexion et des équipes engagées qui privilégient la qualité sur la rentabilité. La composition de l’équipe d’éducation d’Enfants du Monde au siège, avec des spécialistes de haut niveau, dont trois ont des doctorats, lui permet de diriger des recherches et de concevoir des formations de niveau Master. L’équipe collabore étroitement avec les bureaux régionaux et les partenaires locaux, privilégiant la qualité et l’engagement, mais aussi le respect des langues et cultures locales.

Tu as longtemps vécu sur le terrain au Liban, peux-tu nous parler de cette expérience ?

I.G. : Au Liban, pendant une dizaine d’années, j’ai guidé et développé une approche sociolinguistique qui traite le culturel, le communicatif et la linguistique de façon simultanée. Au début, en tant qu’experte internationale de la coopération éducative et linguistique de l’Ambassade de France et ensuite avec le British Council Liban ainsi qu’avec UNICEF et UHNCR. En 2005, avec les formateurs du CRDP (Centre de recherche et de développement pédagogique) du ministère de l’éducation nationale libanais, nous avons développé une formation pour les enseignants afin de valoriser le plurilinguisme et pluriculturalisme des élèves libanais en risque d’échec et d’abandon scolaire. Cette approche a été étendue et adaptée entre 2013 et 2016 pour accompagner les enseignants de l’école publique et ainsi intégrer les élèves réfugiés syriens dans l’école formelle. Des formations complémentaires des formateurs de formateurs ainsi que des conseillers pédagogiques libanais ont aussi été conçue afin de valoriser les compétences linguistiques, communicatives et cognitives des élèves réfugiés syriens. Cette approche a permis de les motiver à rester à l’école, évitant ainsi par ailleurs qu’ils ne soient endoctrinés par des groupes extrémistes. Cette démarche a aussi été étendue à la formation des animateurs d’ONGs locales et internationales pour développer des parcours d’intégration scolaire à partir de programmes d’éducation non-formelle. Ce processus a permis à des réfugiés syriens, déscolarisés depuis une à cinq années, de développer les prérequis nécessaires leur permettant d’accéder à l’école officielle libanaise et ainsi de faire reconnaitre et valider leurs acquis antérieurs.

Et pour finir, qu’aimes-tu faire pendant ton temps libre ?

I.G. : Je suis passionnée par l’improvisation en danse et voix dans la nature. En se connectant aux éléments naturels (eau, air, feu, terre), nous prenons du recul par rapport à notre vie quotidienne et développons notre créativité. L’improvisation est pour moi une façon d’amener chaque personne à être créative dans sa vision du monde et à participer de façon active à la citoyenneté et la préservation de la planète.