Certain·es d’entre vous souhaitent inscrire Enfants du Monde sur leur testament pour venir en aide aux enfants et mères défavorisés. La réforme du droit des successions entrée en vigueur le 1er janvier 2023 permet aux testatrices ou testateurs de disposer librement d’une plus grande part de leur patrimoine. Me Jeremy Carrat répond à vos questions en expliquant les principaux changements.
Maître, pouvez-vous nous donner quelques informations de base ?
Si vous n’avez pas rédigé de testament, l’intégralité de vos biens reviendra à vos héritiers légaux selon un ordre de priorité et des proportions définis par la loi (les parts légales). Si vous ne laissez aucun héritier·e légal·e, votre succession reviendra à l’État.
Établir un testament permet de favoriser des tiers (soit des personnes qui vous sont chères ou des organisations de bienfaisance) qui, à rigueur de la loi, ne sont pas vos héritiers légaux, et ce dans la limite de la part dont vous pouvez librement disposer, appelée quotité disponible. En effet, certain·es proches parent·es – les héritier·es réservataires – ont obligatoirement droit à une certaine proportion de la succession : on parle alors de la «réserve héréditaire».
Quelles sont les principales modifications de la réforme ?
La quotité disponible – soit la part dont vous pouvez disposer librement – augmente et vous offre une plus grande flexibilité dans votre planification successorale.
Depuis le 1er janvier 2023, les parents (le père et/ou la mère) ne sont plus des héritier·es réservataires. Seuls les enfants et le·la conjoint·e ou le·la partenaire enregistré·e survivant·e sont héritiers réservataires.
La réserve des descendants (enfants ou petits-enfants) est réduite : elle passe de ¾ à ½ de la part légale.
La réserve du conjoint ou du partenaire enregistré survivant n’est, quant à elle, pas modifiée et demeure ainsi de la moitié (½) de son droit de succession.
Si n’avez ni enfant, ni conjoint·e ou partenaire enregistré·e, vous pouvez librement disposer de l’ensemble de vos biens, et ce même si vos parents sont toujours en vie.
Je suis mariée et j’ai 2 enfants. Avec la réforme, de quelle part de ma succession puis-je disposer librement ?
Jusqu’au 31 décembre 2022, votre conjoint·e héritait de la moitié de vos biens (½) et sa réserve était de la moitié de son droit de succession. La fraction qui lui était réservée était de ¼ (½ de ½). Vos enfants héritaient quant à eux de l’autre moitié de vos biens (¼ chacun) et leur réserve était de trois-quarts de leur droit de succession. La fraction qui leur était réservée à chacun était de 3/16 (¾ de ¼) chacun. La quotité disponible, soit la part dont vous pouviez disposer librement, était de 3/8 (soit 37.5%).
Depuis le 1er janvier 2023, votre conjoint·e hérite de la moitié de vos biens (½) et sa réserve demeure inchangée (½). La fraction qui lui est réservée demeure ainsi inchangée et est de ¼ (½ de ½). Vos enfants héritent toujours de l’autre moitié de vos biens (¼ chacun) mais leur réserve respective est réduite et est de la moitié de leur droit de succession. La fraction qui leur est réservée est ainsi de 1/8 (½ de ¼) chacun. La quotité disponible, soit la part dont vous pouvez disposer librement, est désormais de ½. Même en ayant un·e conjoint·e et des descendants, vous avez désormais la possibilité d’attribuer la moitié de votre patrimoine à un tiers.
J’ai rédigé mon testament le 23 février 2021. Mon testament est-il toujours valable et, cas échéant, sera-t-il régi par le nouveau droit ?
Le droit applicable est déterminé par la date du décès. La date d’élaboration de votre testament n’est pas déterminante. Le testament que vous avez rédigé avant le 1er janvier 2023 reste valable mais sera régi par le nouveau droit : les nouvelles parts réservataires s’appliqueront automatiquement.
Je suis actuellement en procédure de divorce et j’aimerais savoir si mon·ma conjoint·e pourrait prétendre à une part de ma succession ?
Depuis le 1er janvier 2023, le·la conjoint·e survivant·e perd sa réserve si une procédure de divorce est pendante au moment du décès pour autant que les conjoints étaient d’accord sur le principe du divorce ou s’ils avaient déjà vécu séparés pendant au minimum deux ans.
Le·la conjoint·e demeure en revanche héritier·e légal·e. Pour pouvoir l’exclure de la succession avant l’entrée en force du jugement de divorce, il faut impérativement le prévoir dans une disposition pour cause de mort (par exemple par testament olographe).